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La solidarité devient virale

>La pression de la concurrence peut être une grande source de motivation et un moteur d'innovation. En revanche, cela annihile le potentiel d'intelligence en essaim. Si des scientifiques comme Robert Koch et Louis Pasteur avaient coopéré plutôt que d’entrer en concurrence, ils auraient pu sauver beaucoup plus de vies. Prenez l’exemple de cette incroyable réussite : Wikipédia a prouvé l'efficacité de l'intelligence en essaim et a montré que l'examen en communauté permettait d'obtenir des informations plus fiables que celui que pourrait produire toute rédaction.

Une équipe du MIT a lancé le projet d'intérêt collectif "E-Vent" pour lutter contre la pénurie de respirateurs médicaux. Cet article passe rapidement en revue ses objectifs, solutions et problèmes, et explique comment la solidarité peut aider à surmonter les difficultés.

Respiration : une fonction biologique sophistiquée

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De nombreuses équipes dans différents pays ont été et sont impliquées dans la fabrication de respirateurs en open source à usage médical. Beaucoup d'entre elles ne sont pas conscientes des problèmes auxquels nous sommes confrontés en cherchant à agir sur et à simuler une fonction biologique aussi sophistiquée que la respiration. La respiration humaine est beaucoup plus complexe que souffler de l'air dans un ballon et l'en expulser.

Tout d'abord, la respiration a un but : votre corps a besoin de l'oxygène (O2) de l'air ambiant et doit se débarrasser du dioxyde de carbone (CO2). Cet échange gazeux permanent est une exigence essentielle du métabolisme. Sans O2, vos cellules meurent (en commençant par les cellules de votre cerveau). Trop de CO2 (également appelé acide carbonique) et votre sang reçoit de l'acide qui à son tour provoque des dysfonctionnements nerveux et musculaires qui finiront par vous être fatals.

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Les plongeurs connaissent les dommages provoqués par un excès d'O2 sur les poumons et le cerveau. En revanche, trop peu de CO2 entraîne une alcalose. C'est ce qui se passe lorsque vous respirez rapidement ("hyperventilation"). Respirer dans un sac en plastique en cas d'hyperventilation permet, tout simplement, de retrouver un niveau de CO2 normal.

La pression a une influence sur les échanges gazeux dans vos poumons. C'est pour cela que les touristes gravissant l'Everest doivent respirer de l'oxygène pur lorsqu'ils font la queue pour atteindre le sommet. C'est également la raison pour laquelle les avions sont équipés de masques à oxygène qui tombent en cas de perte soudaine de pression. Mais une pression trop importante peut également être destructrice pour les petites chambres d'échange gazeux de vos poumons que l'on appelle "alvéoles". Si leurs parois sensibles n'assurent pas correctement leur fonction, du gaz peut passer entre votre poitrine et vos poumons. Les poumons se compriment alors pour stopper l'échange gazeux (c'est ce que l'on appelle un "pneumothorax").

Dans des conditions ("physiologiques") normales, ce sont vos muscles thoraciques qui déclenchent l'inhalation. Ils développent les poumons de manière à générer une pression négative (par rapport à la pression ambiante) à l'intérieur des alvéoles et des bronches (les tubes reliant les alvéoles au tube d'air ["trachée"]). L'air est ainsi aspiré dans les poumons. Lorsque les muscles se relâchent, les structures élastiques de la poitrine et des poumons permettent d'expulser l'air. Le tissu des voies aériennes est souple, et leurs diamètres sont élastiques. Bien évidemment, la capacité globale en volume des poumons est limitée. Les paramètres mentionnés génèrent une courbe de pression typique:

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Chaque fois qu'une machine tente d'assister ou de remplacer cette fonction physiologique, elle doit imiter cette courbe jusqu'à un certain niveau. Mais tout est inversé : la pression positive pousse l'air dans les poumons. Tant que les poumons et la poitrine ont suffisamment d'élasticité, l'air est expulsé sans utiliser la machine.

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Je ne veux pas trop entrer dans les détails, mais vous imaginez bien qu'un poumon malade ("respiration pathologique") a des besoins différents de ceux qu'implique la respiration physiologique. L'assistance à la respiration spontanée ("ventilation assistée ou augmentée") est également très différente de la respiration d'un patient sans respiration spontanée ("ventilation assistée ou contrôlée"). Dans ce cas, le patient est inconscient et tolère une pression appliquée de l'extérieur tandis que, dans le premier cas, il a tendance à "respirer contre la machine". Par conséquent, les respirateurs doivent être capables de détecter la respiration spontanée et de s'adapter à la fréquence respiratoire du patient.

Les respirateurs professionnels sont dotés de différents modes de fonctionnement (par ex., la ventilation assistée, contrôlée en pression [PCV] ou contrôlée en volume [VCV], ou en pression positive permanente [CPPV] et bien d'autres). Ils fournissent également une pression positive de base constante pour "maintenir les voies respiratoires ouvertes" (appelée pression expiratoire positive [PEP]).

Les choses sont encore plus sophistiquées lorsqu'on compare la ventilation non invasive (à l'aide d'un masque placé sur le nez et la bouche) et la ventilation invasive (à l'aide d'un tube inséré dans la trachée). Un masque n'est pas toujours entièrement étanche et l'appareil doit prendre en compte les fuites.

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Imaginez à quel point un respirateur doit être sophistiqué ! Il doit contrôler la courbe de pression, le volume respiratoire, la fréquence respiratoire (qui entraîne un "volume minute"), et une personne formée doit être capable d'adapter continuellement ces valeurs à l'état de santé spécifique et actuel du patient.

Une argumentation éminente plutôt que des slogans populistes

La construction de machines aussi sophistiquées nécessite une équipe de développement possédant des connaissances biologiques et médicales, et également capable d'anticiper les problèmes d'application grâce à différentes configurations. Bien que j'apprécie l'envie d'être utile affichée par l'ensemble de celles et ceux qui ont lancé des projets de respirateur en open source, je crains que beaucoup de membres de la communauté DIY ne disposent pas de ces compétences. Fin mars 2020, cette analyse a été publiée : "A review of open source ventilators for COVID-19 and future pandemics" (Une analyse des respirateurs en open source pour le COVID-19 et de futures pandémies). Le résumé n'est pas très encourageant : "Les résultats de cette analyse ont révélé que les systèmes documentés, testés et examinés par des pairs, en étaient soit aux tout premiers stades de conception (parfois même sans prototype) et n'avaient fait l'objet que de tests très basiques (voire d'aucun test)".

Lorsque j'ai étudié la documentation en ligne sur le projet "E-Vent" ("MIT Emergency Ventilator", respirateur d'urgence du MIT), j'ai été très impressionné par leur approche scientifique. Alors que d'autres équipes ont tendance à publier leurs projets en se focalisant sur la réaction des médias, l'équipe du MIT décrit son travail de manière différenciée et académique. Tout d'abord, elle a clairement défini les objectifs de son projet. Par exemple, bien que des articles comme celui-ci aient insinué que E-Vent demanderait une approbation de l'autorité nationale désignée (AND), elle a clairement indiqué que cette demande ne serait pas soumise, car elle était inutile. Ceci étant dit, elle se concentre sur le respect de toutes les exigences de l'AND relatives aux respirateurs d'urgence. Elle souligne également qu'il ne s'agit pas d'un projet pour les habitués du DIY ordinaires, car un tel appareil doit être construit de manière à garantir la conformité avec les exigences de la FDA (NHS au Royaume-Uni). "L'évaluation des exigences minimales a été faite par une équipe de médecins ayant une vaste expérience clinique, y compris de l'anesthésie et des soins intensifs".

La FDA américaine et le NHS britannique ont publié des exigences officielles pour les respirateurs d'urgence :

Politique d'application pour les respirateurs et accessoires, et autres appareils respiratoires pendant la situation d'urgence de santé publique liée au coronavirus 2019 (COVID-19)

Spécifications relatives aux respirateurs à utiliser dans les hôpitaux britanniques pendant l'épidémie de coronavirus (COVID-19)

L'équipe de projet du MIT a publié une analyse des risques pour que leur approche soit débattue par la communauté. J'adore ce genre de professionnalisme !

L'équipe du MIT résume parfaitement les exigences fonctionnelles dans cette déclaration : "Nous savons, et souhaitons le souligner pour quiconque cherche à fabriquer un respirateur d'urgence à faible coût, que le fait de ne pas tenir compte de ces facteurs peut entraîner des blessures graves à long terme ou la mort."

Une autre chose qui m'a réellement impressionné en lisant l'article sur le projet MIT est leur approche professionnelle des exigences non fonctionnelles :

Les compétences en matière de nomenclature et de fabrication : chaque pièce utilisée pour construire l'appareil E-Vent doit être facilement disponible en grands volumes. Les processus de fabrication doivent être faciles à mettre en place.

La durée de vie des pièces mécaniques est capitale : pendant trois semaines de ventilation, l'appareil fonctionne 24 h/24 et 7 j/7 et effectue plus d'un million de cycles. Tous les matériaux utilisés sont contrôlés pour s'assurer qu'ils répondent à ces exigences de durée de vie prolongée (p. ex., aucun engrenage en aluminium).

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L'approche de l'équipe du MIT consiste à utiliser un insufflateur manuel, également appelé ballon "Ambu". Ces ballons sont utilisés en cas d'urgence par le personnel paramédical pour réanimer des patients. Un masque peut y être fixé ("BAVU" = ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle), ou le ballon peut être fixé à des tubes endotrachéaux. Ils sont abordables et disponibles ad hoc par millions.

Le projet E-Vent s'appuie sur un moteur à commande électronique qui entraîne un engrenage pour déplacer deux leviers comprimant le ballon. L'entraînement permettant d'appuyer sur le ballon fait partie d'une boucle de régulation fermée (capteurs compris).

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avec l'aimable autorisation de l'équipe de recherche, MIT

L'équipe a rejeté d'autres approches comme l'utilisation d'appareils CPAP utilisés pour le traitement de l'apnée du sommeil. Dans le monde entier, les experts médicaux conviennent que le SDRA ("syndrome de détresse respiratoire aiguë", causé dans les cas graves par le COVID-19) ne peut être soigné sans ventilation invasive ("intubation"). Ainsi, la ventilation par masque ne peut être qu'une solution temporaire en cas d'insuffisance respiratoire hypoxique.

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Beaucoup d'autres équipes ayant adopté la même approche n'ont pas suffisamment pris ce problème en compte : leurs solutions risquent de disséminer le COVID-19 par aérosols dans l'air expiré, ce qui représente un risque important pour le personnel médical (surtout en cas de pénurie de matériel de protection) et cela doit être évité. L'équipe du MIT a identifié ce risque.

S'appuyer sur l'intelligence en essaim pour résoudre les problèmes

Le projet E-Vent a fait face à de nombreux défis. Certains problèmes ne sont toujours pas résolus. Néanmoins, l'équipe a non seulement décidé que ce projet serait en open source pour partager les meilleurs résultats, mais elle espère également que la communauté dans le monde entier pourra débattre de ses idées et réflexions, et aider à résoudre les problèmes.

Permettez-moi d'aborder l'un de ces défis qui n'est pas souvent pris en compte par d'autres équipes :

Quand j'étais enfant, je pensais avoir eu l'idée la plus sympa jamais imaginée : je voulais ajouter un tuyau de deux mètres sur mon tuba pour pouvoir plonger pendant des heures sous l'eau sans risquer que l'eau ne s'infiltre dans le tuba. Sans un adulte plus âgé me disant avec sagesse que je risquais ma vie, j'aurais probablement fini par mourir et nourrir les poissons. Le problème est appelé "espace mort" : l'air expiré se mélange à l'air frais à l'intérieur du tuyau. Inspirer en retour ce mélange, encore et encore, réduit la concentration en O2 et, pire encore, augmente la concentration en CO2 bien au-delà du niveau toxique.

Avec un respirateur, vous devez résoudre un problème similaire. L'espace mort doit être aussi réduit que possible. Un insufflateur manuel est doté d'un "orifice d'expiration" directement fixé à "l'orifice de raccordement côté patient". Normalement, il n'y a qu'un tuyau très court entre le tube endotrachéal et l'orifice de raccordement côté patient. Une valve bidirectionnelle ("valve côté patient" contrôlée par la différence de pression entre le ballon et les poumons) laisse le flux d'air circuler des poumons vers l'orifice d'expiration ou du ballon vers les poumons. Une valve PEP peut être fixée à l'orifice d'expiration:

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Cela signifie qu'à l'expiration, l'air "usagé" (avec une forte concentration de CO2) ne pénètre pas dans un espace plus grand, mais dans la valve côté patient et un petit morceau de tuyau, et est donc directement expulsé dans l'air ambiant.

C'est différent sur l'appareil E-Vent : le tuyau est plus long entre la valve côté patient et le tube endotrachéal. Ce tuyau augmente considérablement le volume mort, ce qui peut générer un risque important d'intoxication au CO2. L'équipe explique : "Dans un tube de 1 m de long et d'un diamètre nominal de 2 cm, il se crée un espace mort inacceptable de 314 ml dans lequel le patient va inspirer sans être oxygéné." Elle poursuit : "Il est indispensable de rapprocher la valve côté patient de l'insufflateur manuel du patient pour résoudre ce problème. Les circuits de ventilation standard ont deux branches, l'une pour l'inspiration et l'autre pour l'expiration, afin que les gaz puissent être recapturés par le respirateur. Des circuits de ventilation à une seule branche avec valve côté patient positionnée distalement existent déjà sur le marché, mais ils ne sont pas nécessairement optimisés pour une utilisation avec un insufflateur manuel. Il faut être créatif pour résoudre ce problème. À notre connaissance, aucun fabricant d'insufflateurs manuels ne dispose d'une solution approuvée et aucun fabricant ne produit toutes les pièces qui pourront être assemblées correctement."

Ce problème et d'autres encore ont besoin de créativité. La créativité combinée d'un grand nombre de personnes peut être un outil puissant. Le groupe MIT souhaite que les gens participent à leurs discussions en ligne. Si vous consultez la page abordant ce problème, vous verrez qu'une potentielle solution existe déjà. L'équipe indique : "Les commentaires constructifs de toute personne souhaitant contribuer sont les bienvenus ; c'est essentiel pour parvenir à un effort collectif mondial."

Impliquez-vous !

Je suis plus qu'heureux d'avoir la chance d'écrire pour tant de lecteurs créatifs. Je suis certain que certains d'entre vous, qui faites partie de la famille des plus de 800 000 membres DesignSpark inscrits, seront en mesure d'apporter des idées et commentaires très pertinents au projet E-Vent. Lancez-vous et consultez leur projet à l'adresse

https://e-vent.mit.edu/

Votre participation à ce projet pourrait contribuer à sauver des vies. Bien sûr, l'équipe a fourni un lien permettant d'apporter un soutien financier. DesignSpark suivra ses activités et vous informera de toute nouvelle évolution du projet E-Vent.

Permettez-moi de terminer cet article par une citation issue des pages Web du projet E-Vent :

Enfin, nos pensées vont à tous les professionnels de la santé en première ligne et aux patients qui luttent contre cette maladie, aux personnes qui permettent le fonctionnement des épiceries, des pharmacies et des infrastructures essentielles dans le monde entier, et à toutes les personnes qui ont été touchées par cette pandémie.

Volker de Haas started electronics and computing with a KIM1 and machine language in the 70s. Then FORTRAN, PASCAL, BASIC, C, MUMPS. Developed complex digital circuits and analogue electronics for neuroscience labs (and his MD grade). Later: database engineering, C++, C#, industrial hard- and software developer (transport, automotive, automation). Designed and constructed the open-source PLC / IPC "Revolution Pi". Now offering advanced development and exceptional exhibits.